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On ne saurait parler des arrêts du TF favorables aux activistes

Au printemps 2021, à un mois d'intervalle, le Tribunal Fédéral a rendu des arrêts contradictoires dans la condamnation des activistes climatiques :

  • En avril, dans 3 arrêts, il considère que l'occupation de la succursale UBS à Bâle avec déversement de charbon et masquage des caméras de vidéo-surveillance est une "manifestation pacifique spécifique de toute façon protégée par les droits fondamentaux".
  • En mai, une autre cour confirme la condamnation des joueurs de tennis du Credit Suisse pour une action bien moins intrusive.

Pourquoi un seul média en Suisse Romande (à notre connaissance) a parlé de la version favorable aux militants climatiques ?

 

Arrêts

1B_285/2020 - 1B_286/2020 - 1B_287/2020
3 arrêts du Tribunal Fédéral, le 22 avril 2021
Division du droit public

Composition
Juge fédéral Kneubühler, Président,
Juges fédéraux Chaix, Haag, Müller, Merz,
Greffier de la Cour Sauthier.

6B_1295/2020
Arrêt du 26 mai 2021
Cour de droit pénal  

Composition

Mmes et MM. les Juges fédéraux 

Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys, Muschietti, van de Graaf et Koch. 

Greffière : Mme Livet. 

 

Les faits

Le ministère public du canton de Bâle-Ville mène une enquête pénale contre A.________, soupçonné de contrainte, d'atteinte à l'ordre public, de violation de domicile, de dommages à la propriété et d'entrave au travail. Il est reproché à A.________ d'avoir encerclé le bâtiment de l'UBS à St-Alban-Anlage à Bâle avec d'autres personnes à l'occasion des journées d'action pour le climat (journées "Collective Climate Justice") peu après 06h00 du matin le 8 juillet 2019. A.________ ainsi que d'autres participants avaient affiché des slogans autour du bâtiment avec des morceaux de charbon, filmé les caméras de surveillance et partiellement bloqué les entrées avec des barricades en bois et des tas de charbon.

A Lausanne, dans les locaux de la succursale de M.________ SA, le 22 novembre 2018, peu après 13 h, un groupe, composé de 20 à 30 personnes environ, dont les prévenus, a pénétré dans le hall d'entrée dans le but de manifester contre le changement climatique (...). Cette manifestation a consisté notamment à déployer une banderole (...) et, pour l'essentiel, à mimer une partie de tennis, la plupart des participants étant déguisés en sportifs de manière caricaturale. Selon une employée, responsable d'un service de cette succursale bancaire, les manifestants - qui ne se sont pas montrés agressifs - se sont placés notamment sur les marches des escaliers, ainsi que sur la rampe d'accès pour les personnes handicapées. S'ils n'empêchaient pas les clients de passer, ces derniers devaient les enjamber pour accéder aux guichets.

 

Objectif du recours au TF

Dans ce contexte, le 8 juillet 2019, le ministère public a émis une ordonnance de services d'identification et de prélèvement non invasif de A.________ et, le 9 juillet 2019, a ordonné son profilage ADN. Le 16 juillet 2019, A.________ a déposé un recours contre cette décision auprès de la Cour d'appel du canton de Bâle-Ville, qui a rejeté le recours le 20 mars 2020.

Par mémoire du 4 juin 2020, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral.

Les recourants :

  1. se plaignent du huis clos partiel
  2. font grief à la cour cantonale de ne pas avoir fait application de l'art. 17 CP [état de nécessité NdA]
  3. sont d'avis que leur condamnation serait incompatible avec les art. 10 et 11 CEDH.
 

Décision 

4.2 (...) . En outre, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la création d'un profil ADN qui, comme en l'espèce, ne sert pas à élucider les infractions qui y donnent lieu dans une procédure pénale en cours, n'est proportionnée que s'il existe des indices substantiels et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, y compris des infractions futures. Il doit s'agir d'infractions d'une certaine gravité (voir BGE 145 IV 263 E. 3.4 p. 267 avec références).

4.3.1 (...) La police n'a donc pas été appelée pour disperser une manifestation violente, mais pour éloigner les manifestants afin que l'accès aux bâtiments de l'UBS soit à nouveau garanti. Par conséquent, on peut difficilement supposer que l'action de protestation a constitué une violation grave des intérêts légaux ou une menace sérieuse pour la sécurité et l'ordre publics. La possibilité d'affirmer un tel danger en ce qui concerne les dommages matériels prétendument commis, au mieux qualifiés, semble également douteuse au vu des slogans au charbon lavables sur les façades. En outre, il ne s'agit que d'un empiètement sur la propriété, qui peut être socialement dommageable dans certaines circonstances, mais qui n'affecte en principe pas directement la sécurité des personnes lésées (cf. ATF 143 IV 9 E. 2.7 p. 15 avec références). Par conséquent, on peut déjà se demander si les infractions reprochées au plaignant sont d'une certaine gravité.

4.4.2 (...) . En l'espèce, ni la décision de l'instance inférieure ni les dossiers ne permettent de déterminer si l'action devant l'UBS était une manifestation autorisée ou non. Toutefois, cela n'est pas non plus décisif, puisque la manifestation pacifique spécifique est de toute façon protégée par les droits fondamentaux (voir E. 4.1.1) et que les mesures coercitives prévues par la procédure pénale ne peuvent être prises que si elles s'avèrent proportionnées.

4. Il résulte de ce qui précède (consid. 2 et 3) que c'est à bon escient que la cour cantonale a admis la violation de domicile (art. 186 CP) à l'encontre des recourants, ceux-ci ne contestant au surplus pas la réalisation des éléments constitutifs de cette disposition. Leur condamnation pour violation de domicile ne viole pas le droit fédéral, constitutionnel ou conventionnel. 

(...)

5. La manière dont a procédé la cour cantonale pour prendre en compte l'art. 286 CP est problématique. [Ce point fera l'objet d'une autre rubrique consacrée aux jugements des occupations des banques NdA].

(...)

6. Invoquant l'art. 11 CEDH, les recourants contestent l'application de l'art. 41 RGP/Lausanne, qui réprime d'une amende une manifestation organisée sans avoir sollicité d'autorisation. (...) Le grief est infondé.

 

Conclusion

5. En conséquence, le recours doit être accueilli. La décision attaquée et l'ordonnance du ministère public du 8 juillet 2019 pour des prestations d'identification en matière d'empreintes digitales et pour des prélèvements non invasifs, ainsi que l'ordonnance du ministère public du 9 juillet 2019 ordonnant la création d'un profil ADN, doivent être annulées.
9. Le recours doit être rejeté sur ses griefs principaux.    
 

Communiqué de presse du TF

Action pour le climat en 2019 à Bâle – Profil ADN et empreintes digitales des participants doivent être détruits

Le Tribunal fédéral ordonne la destruction du profil ADN et des empreintes digitales d'un militant pour le climat qui a participé au blocus d'une banque à Bâle en 2019. Il en va de même pour les empreintes digitales de deux autres personnes. Les mesures prises par le Ministère public s'avèrent disproportionnées au regard de l'ensemble des circonstances.

(...) Est déjà douteuse la question de savoir si les infractions concrètement reprochées aux militants présentent la gravité nécessaire.

Occupation des locaux d'une banque en 2018 à Lausanne – aucun état de nécessité pour les activistes du climat

Le Tribunal fédéral rejette leur recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud sur ce point. Il a donné raison à dix des douze personnes sur un point secondaire

 

Revue de presse

A notre connaissance un seul article (en Suisse Romande) a relevé ces arrêts pour l'occupation de l'UBS de Bâle :

Récolter l’ADN de militants pour le climat était excessif, estime le Tribunal fédéral
Le Temps - 8 juin 2021 - ATS

Pour les joueurs de tennis du Credit Suisse à Lausanne, on trouve entre autres :

Et boum: le Tribunal fédéral ne reconnaît pas l'état de nécessité climatique
Article du 11 juin 2020 - Watson, Jonas Follonier

La sentence était très attendue. Ce 11 juin, le Tribunal fédéral annonce qu'il rejette l'état de nécessité climatique, invoqué par les activistes, condamnés en deuxième instance pour avoir occupé les locaux d'une banque lausannoise en 2018, en signe de protestation. L'incertitude liée à une dizaine de procès de ce type prend fin.

Partie de tennis au Credit Suisse: les activistes désavoués au Tribunal fédéral
11 juin 2021 - Radio Suisse Romande

Les 12 activistes du climat qui avaient singé une partie de tennis chez Credit Suisse à Lausanne en 2018 se sont rendus coupables de violation de domicile, a tranché le Tribunal fédéral vendredi, ne retenant pas l'état de nécessité. Les activistes vont saisir la Cour européenne des droits de l'homme.

"C'est la première fois que le Tribunal Fédéral est appelé à se prononcer sur ces questions, c'est dire l'importance de ce verdict" Julie Rosis, 11.6.2021 - 12h30

Activistes déboutés: le manque de courage du TF critiqué
11 juin 2021 - swissinfo.ch

La décision du Tribunal fédéral de débouter les 12 activistes du climat est "extrêmement décevante", estime l'une de leurs avocates Me Laïla Batou. Elle critique le manque de courage des juges de Mon Repos.

Le Tribunal fédéral confirme la condamnation des activistes du climat
11 juin 2021 - Le matin, Pauline Rumpf

Pionniers d’une longue série de «procès climatiques», les militants qui avaient occupé une succursale du Credit Suisse viennent d’être déboutés par la plus haute instance juridique du pays. Ils avaient d’abord été acquittés, puis condamnés en appel.

Le Tribunal fédéral refuse d’absoudre les activistes du climat (Abonné)
Article du 11 juin 2021 - Le Temps, Fati Mansour

La haute cour siffle la fin de la récréation. Les militants qui invoquaient l’état de nécessité pour justifier des actions illicites visant à dénoncer ceux qui participent au réchauffement de la planète peuvent déchanter. La condition d’un danger imminent mettant en péril un bien individuel concret n’est pas considérée comme réalisée

Pas d’état de nécessité climatique selon le TF
Article du 11 juin 2021 - 24 heures

Le Tribunal fédéral rejette le recours des 12 activistes qui avaient occupé les locaux lausannois de Credit Suisse le 22 novembre 2018, déguisés en Roger Federer.

Les joueurs de tennis perdent le dernier set au TF
Article du 11 juin 2021 - 24 heures, Emmanuel Borloz

La Cour suprême déboute les activistes qui avaient occupé une succursale de Credit Suisse. L’état de nécessité, retenu en première instance, est balayé.