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Revue de presse

28 novembre 2019

 

Transcription de la conférence de presse

conférence de presse du 28 novembre

Antoine : déroulement de l'action

Pour commencer je vais faire un rappel des faits de l'action qui s'est déroulée en novembre l'année dernière. Il y a tout juste une année, nous sommes entrés dans la succursale du Credit Suisse dans le quartier de St François à Lausanne, déguisés en joueurs et joueuses de tennis. Nous étions une trentaine de jeunes actifs et actives dans divers collectifs lausannois, vaudois et autres. Des actions similaires se sont déroulées à la fois à Genève et à la fois à Bâle. Des actions qui ont pris la même forme.

Lors de cette action, ici à Lausanne, nos déguisements faisaient écho à la personnalité de Roger Federer, ambassadeur de Credit Suisse. Son image amicale dissimule aux yeux du grand public les agissements financiers dévastateurs à la fois pour le climat et la biosphère. Ce jour-là, nous sommes entrés dans le hall de la banque et avons distribué le rapport spécial 1,5 °C du GIEC, ainsi que des rapports alarmants concernant l'impact des investissements dans les énergies fossiles.

Nous avons occupé pacifiquement les locaux durant 1h30 jusqu'à ce que la police, alertée de notre manifestation non autorisée ne nous évacue manu militari hors du bâtiment. Par la suite, Credit Suisse a déposé plainte pour violation de domicile et nous avons reçu une ordonnance pénale du Ministère Public de la ville de Lausanne.

Avec l'aide d'une fantastique équipe d'avocats et d'avocates engagés, nous avons fait opposition et nous nous préparons pour notre procès. Les dates de ce procès ont d'ores et déjà été annoncées. Il aura lieu du mardi 7 au jeudi 9 janvier 2020 et le verdict sera donné le vendredi 10 janvier.

Titouan : pourquoi le Credit Suisse

La question qui est probablement la plus importante c'est pourquoi nous sommes allés bloquer le Credit Suisse plutôt qu'autre chose. Ce qu'il faut comprendre et ce qui est vraiment capital en Suisse c'est que la grande partie de l'émission des gaz à effets de serre est exportée à l'étranger, elle n'a pas lieu dans les frontières du pays. Il y a une étude publiée par l'Office Fédéral de l'Environnement qui estime que l'impact environnemental de la Suisse se manifeste à 73% à l'étranger et pas à l'intérieur du pays.

La question qui se pose est quelle est la composante de notre économie qui a le plus grand impact destructif de l'environnement à l'étranger et ça c'est très clair que c'est la place financière. C'est ça qui nous amène à Credit Suisse. Credit Suisse c'est une des banques qui investi le plus dans les énergies fossiles au monde et, la partie peut-être la plus désespérante de ça, c'est qu'il y a une bonne partie des investissements qui partent dans ce qu'on appelle le fossile extrême. Le fossile extrême est une catégorie qui regroupe les sources d'énergies fossiles les plus dangereuses pour le climat : les pétroles de schistes, les sables bitumineux, le charbon, etc. Entre 2015 et 2017, le Credit Suisse par exemple a investi plus de 7 milliards dans ces ressources là.

C'est à cause de ce type d'investissements de la part de banques comme le Credit Suisse que ces ressources là peuvent être exploitées et que ces secteurs de l'économie peuvent exister. Le problème c'est que c'est des secteurs de l'économie qui ne devraient pas pouvoir exister si on veut contenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C comme le préconise le rapport du GIEC qui est sorti juste avant cette action.

Cela semble vraiment abstrait 1,5 °C, on a tendance à parler comme dans les scénarios climatique de tonnes de CO2, de température par rapport à l'ère pré-industrielle, mais on ne réalise pas vraiment ce que cela représente de manière tangible. Donc je vais essayer de contextualiser un peu. En 1972 il y a une équipe de chercheurs du MIT qui a publié un rapport synthétique qui tentait de faire des prédictions sur la manière dont notre société exploite les ressources de la terre et impose des contraintes sur notre environnement. Quel impact ces choses-là vont avoir sur notre futur ? Ce rapport, c'est le rapport Meadows, il a été mis à jour plusieurs fois et les prédictions qu'il fait jusqu'à présent colle assez bien avec la réalité. Il y a d'autres rapports, d'autre agences qui ont été fait, notamment la NASA. Ce que cette étude montre, c'est que nous ne faisons pas d'efforts conséquents, pour ajuster notre impact écologique assez rapidement on va se retrouver dans une situation où l'on va perdre des rendements agricoles. Ce que ça veut dire, c'est que sur le graphe on voit les courbes de l'espérance de vie et de la population qui commencent à chuter dans une fenêtre 2030 – 2050. En fait on ne peut plus soutenir la population terrestre si on n'a pas un changement de trajectoire économique conséquente assez rapidement. La question posée ici, si on se demande si des banques comme le Crédit Suisse devraient pouvoir ou non investir comme elles le veulent dans les énergies fossiles, c'est pas une question de préservation de l'environnement pour la beauté de l'environnement, c'est une question de vies humaines, au pluriel, très largement au pluriel. C'est déplorable qu'une bande de jeunes aillent enfreindre la loi afin qu'elle réalise le précipice vers lequel on court. Je vous jure que je préférerais ne pas être ici en train de vous parler d'un procès pénal qui me concerne, mais jusqu'à présent je ne vois pas de mesures concrètes et proportionnées de la part des pouvoirs exécutifs et législatifs et aussi des privés comme le Credit Suisse face à l'urgence climatique. Le message c'est qu'on ne sauvera pas la planète en triant du PET correctement et en pissant sous la douche, ce qu'il faut qu'on fasse c'est qu'on agisse en tant que société. C'est pour cela que l'on tente des actions de ce type, c'est pour attirer l'attention parce qu'il nous reste vraiment pas beaucoup de temps.

Beate : la réponse doit être populaire

Vu l'urgence de la situation notre action n'était pas la seule à s'adresser à cette problématique. Nous faisons partie d'un assez grand mouvement global avec des actions et des groupes sur toutes les échelles, notamment, comme on a déjà dit, c'était une action qui était en même temps faite par d'autres groupes amis, breakfree à Genève et Climates Games à Bâle. Pourquoi ?

C'est assez évident puisque les émissions globales sont encore en pleine croissance, nous les jeunes et les citoyens se rendent compte que la puissance des industries de l'énergie fossile et de leurs alliés, notamment les banques et d'autres investisseurs affaiblissent le pouvoir de nos gouvernements. C'est pour cela qu'ils n'arrivent pas à prendre le mesures à l'échelle qu'il faut.

Un exemple choquant de ce fait : certains d'entre nous ont participé à une action qui s'appelle Ende Gelande. En Allemagne on proteste contre les mines de charbon lignite et on a été témoins directement de la destruction locale et des violences contre la population. Quand on comprend que de tels impacts sont normaux pour des projets d'infrastructure civile, des impacts sur la population locale et l'environnement, c'est choquant de voir la puissance avec laquelle ces industries de l'énergie fossile peuvent imposer leur projets alors que les industries d'énergies renouvelables peinent à pousser leur propres projets à une même échelle.

Pour nous c'est clair qu'il faut, en tant que citoyens et citoyennes, nous émanciper pour créer un vrai contrepoids contre le pouvoir de ces industries pour que nos gouvernements puissent prendre les mesures nécessaires. C'est pour cela qu'existent tous ces mouvements à l'échelle internationale, notamment les mouvements comme Extinction Rebellion ou la Grève du Climat.

Paul : Roger, quel est le prix de ton silence ?

Je vais tenter d'être synthétique, je vais juste revenir sur pourquoi, lors de cette action, nous étions déguisés en Roger Federer. C'était une partie de la dimension de l'action. Nous sommes face à une menace d'une ampleur sans précédent qui vise la capacité de survie de nos sociétés, et cette menace, cette crise, pour la surmonter on pourra pas, comme l'a dit précédemment Titouan, juste claquer des doigts, rajouter quelques éoliennes, un peu de quinoa dans la salade et faire pipi sous la douche, c'est pas suffisant, c'est pas à la hauteur.

Pour surmonter cette crise, il va falloir que l'on se réorganise en tant que société mais aussi qu'on réinvente, qu'on change notre mentalité et nos cultures, la façon dont on fonctionne. Et ça, ce changement culturel, ce changement de mentalités, il y a une nécessité que tous les acteurs de la société prennent leur responsabilité et agissent dans ce sens.

Parce qu'il faut arrêter de dire aux jeunes qu'ils doivent faire tous les changements. Ils sont dans la rue alors on leur explique : « Oui, vous devez être irréprochables et en plus vous devez implémenter tous les changements pour la société ! ». On ne peut demander ça à des jeunes de 15 ans. Ce n'est pas possible de leur demander de faire tout le boulot.

La dessus, notre position c'est que c'est clairement aux personnalités publiques d'être précurseurs sur ces questions. Aux personnalités publiques comme Roger Federer. Roger Federer n'est pas une personne lambda. Roger Federer c'est un champion, c'est une star. En Suisse il inspire toute la société, il a inspiré et il continue à inspirer toutes les générations de suisses et de suissesses, c'est une personne majeure.

Quand Roger Federer est avec Credit Suisse et explique : « Oui, somme toute Credit Suisse c'est sympa, ça va bien, on s'entend bien, c'est une banque somme toute sympathique », là il se rend complice de tout ce que Credit Suisse fait derrière et qui précipite l'entier de notre société dans le précipice. Quand tous les jeunes sont dans la rue en train de réclamer des changements, quand tout le monde lui demande d'aller un petit peu dans ce sens là, quand les scientifiques demandent d'aller dans ce sens, quand les experts demandent d'aller dans ce sens là, est-ce que les 20 millions qu'il reçoit de Credit Suisse valent vraiment son silence ?

Aujourd'hui nous lui disons, à Roger Federer : « Pense aux jeunes, pense à tes enfants et arrête de donner ton image aux entreprises qui condamnent le futur de l'humanité. »

En janvier, ce n'est pas une violation de domicile qui sera jugée au Tribunal de Montbenon.
Ce sera le jugement de la jeunesse qui se lève pour sa survie. Nous y serons, au Tribunal de Montbenon et, pour tous les jeunes, nous nous y battrons.

Me Antonella Cerighetti : ces jeunes préservent la Terre

Peut-être d'abord deux mots sur des questions plus techniques de procédures. Il y a donc eu cette partie de tennis dans les locaux du Credit Suisse le 22 novembre 2018 qui était totalement pacifiste, il n'y à aucun moment eu de contraintes sur le plan juridique, c'est confirmé par les témoins qui étaient les employés de Credit Suisse à ce moment là. Ils n'ont pas été empêchés de travailler si ce n'est parce que cela faisait un peu de bruit : on est vraiment dans une action pacifique, on est vraiment dans une action proportionnée avec ce que viennent de vous dire les manifestants qui sont poursuivis.

Suite à cela il y a une ordonnance de condamnation. On voit que ce sont des ordonnances rédigées à la pelle, avec des condamnations identiques pour chacun des manifestants qui n'ont aucun casier judiciaire, je le précise, condamnations identiques à 30 jours amendes avec sursis, à 30 francs peu importe leur revenu au fond, et puis à une amende de 600 francs chacun et à des frais de 2'500 francs à se partager entre tous.

Le moyen de contester cette ordonnance est de faire une opposition qui fait que l'on se retrouve devant le Tribunal de police à Lausanne. Cela signifie une audience publique qui sera donc celle du mois de janvier et à laquelle les avocats participeront. Pourquoi ? Nous estimons que ces jeunes ont agi en état de nécessité et que au fond le droit pénal est bien fait puisqu'il permet de tenir compte, non seulement des motivations, mais aussi de ce que l'on voulait préserver, qu'est-ce que l'auteur de l'infraction qui sont ces manifestants, en termes juridiques ce sont des auteurs d'infraction, voulaient préserver.

Nous pensons, et c'est ce que nous allons plaider, qu'ils voulaient préserver un bien juridique qui est la Terre, la planète, qui est dans un danger imminent, le réchauffement comme on vous l'a dit, qui est impossible à écarter autrement. Impossible parce que l'on voit toutes les mesures politiques qui ont été prises, l'Accord de Paris qui n'est pas respecté, les mesures qui font que l'on reporte de manière systématique à terme des mesures à prendre et au fond le but, l'objectif des manifestants est de sauvegarder des intérêts qui sont prépondérants. Si l'avenir de l'humanité, de la planète n'est pas prépondérant, alors nous ne savons pas ce qui pourrait l'être. Voilà au fond le rôle des avocats et voilà pourquoi nous estimons aussi que nous pouvons, dans ce cas de figure là, faire une défense pro bono car c'est un thème qui touche tous les avocats qui sont ici présents. Au-delà de la position d'avocat pénaliste défenseur, il y a des positions personnelles qui se manifestent de cette manière.

Me Irène Wettstein : les témoins expliqueront ce que chacun croit savoir

Vous l'aurez compris. Les principaux enjeux du procès sont l'urgence climatique, les incidences réelles des investissements financiers quant aux émissions de CO2, en particulier ceux du Credit Suisse, et la nécessité, en démocratie, de la désobéissance civile. Tout un chacun, vous, moi, les politiciens, avons un avis. Nous pensons tout savoir et avoir compris de ces problématiques. Et pourtant, comme cela a été rappelé, personne ne réagit.

Qui se souvient qu'en 2007, c'est à dire il y a 12 ans, le GIEC avait reçu le prix Nobel de la Paix ? Qui se souvient que 11'000 scientifiques ont encore lancé un appel il y a moins d'un mois affirmant que « la terre est face à une urgence climatique claire et non équivoque ». Qui en parle ? Qui s'en souvient ? Pourquoi, dans l'affaire qui nous occupe, le Ministère Public qui a condamné les activistes du LAC n'ont même pas mentionné les mobiles qui ont conduit à leur action.

Les jeunes ici présents, les autres dans la rue pointent du doigt la catastrophe qui s'annonce et qui est annoncée par tous les scientifiques et nous qu'est ce qu'on fait ? On regarde le bâtiment qu'ils ont occupé, la succursale du Credit Suisse et pour d'autre des ponts, des rues.

On voit bien la difficulté à prendre la juste mesure des enjeux climatiques, scientifiques et sociétaux. Alors dans ce procès, ce qui a été rappelé, on ne juge pas les actes, on ne s'intéresse pas de savoir comment ils sont rentrés, qu'est ce qu'il ont fait, etc. On juge les mobiles.

Il est indispensable que le Tribunal de police rende un jugement basé sur des connaissances solidement documentées. C'est ce qui nous a conduit à réunir une liste de personnalités, des scientifiques, des experts, spécialistes de leurs domaines et qui viendront témoigner au procès.

Me Marie-Pomme Moinat : trois climatologues comme témoins,

Pour ce procès nous avons demandé trois climatologues :

Jean-Pascal van Ypersele, climatologue belge, professeur à l'Université Catholique de Louvain, il était membre du groupe de travail 2 du GIEC et vice-président de cette institution lorsque celui-ci a obtenu simultanément à Al Gore le prix Nobel de la Paix en 2007 .

Martine Rebetez, professeur ordinaire à l'Université de Neuchâtel. Elle travaille spécifiquement sur les conséquences du dérèglement climatique en Suisse. Mme Rebetez a aussi régulièrement dénoncé dans les médias la désinformation organisée par les agences financées par les milieux pétroliers qui cherchent à trouver les causes du dérèglement climatique ailleurs que dans une origine humaine.

Sonia Seneviratne qui est professeur ordinaire à l'EPFZ, qui est l'auteur principal pour la Suisse du rapport du GIEC sur le réchauffement de la planète à 1,5 °C. Sonia Seneviratne est aussi spécialiste des événements extrêmes tels que sécheresse, précipitations intenses et canicules.

Me Raphaël Mahaim : trois économistes,

On a requis l'audition comme témoin de M. Jeremy Désir, économiste, banquier à HSBC et qui a, en juillet dernier, démissionné avec fracas de son poste en publiant une « lettre ouverte à l'humanité » pour dénoncer les agissements des banque, en particulier dans la haute finance, et ses impacts dans le réchauffement climatique.

Deuxième personnalité que l'on ne présente plus en Suisse romande, Myret Zaki dont nous avons requis l'audition et qui est l'ancienne rédactrice en chef de Bilan, qui est, je crois que l'on peut le dire, une voix aussi écoutée que respectée dans l'espace médiatique, journalistique et économique romand pour ses prises de position courageuses, souvent à contre-courant, toujours documentées et toujours à propos.

En enfin, troisième économiste, Susana Jourdan qui est connue comme la co-rédactrice en chef de la « Revue Durable ». Elle est aussi co-directrice des Artisans de la Transition et Co-auteure en 2016 du rapport de cette association « Les investissements de la BNS dans l’industrie fossile aux Etats-Unis : une catastrophe financière et pour le climat ». Ce rapport, on s'en souvient, avait fait beaucoup parler de lui lors de sa sortie. Son petit frère en 2018 : « Les investissements de la Banque Nationale Suisse dans l’industrie des énergies fossiles sont contraires aux intérêts de la Suisse » avait aussi remporté un gros succès d'estime.

Marie-Pomme Moinat : trois militants,

Parmi nos autres témoins, nous avons aussi demandé à Mme Asti Roesle, chargée de campagne auprès de Greenpeace. Cette ONG a publié en 2018 un rapport intitulé « Les banques suisses à la fin de l'ère des énergies fossiles ». Selon ce rapport UBS et Credit Suisse ont mis à disposition entre 2015 et 2017 12,3 milliards de dollars pour 47 entreprises qui exploitaient des combustibles fossiles particulièrement sales. On parle de charbon, de pétrole extrait de sables bitumineux de l’arctique notamment.

On a souhaité aussi faire entendre Marita Dresen qui habite dans un des douze villages dans le bassin minier rhénan, en Allemagne. Son village a été détruit par l'entreprise RWE qui exploite des mines de lignite que l'on appelle aussi le charbon gras. C'est intéressant de savoir qu'il y a plus de 6'000 habitants qui ont été déplacés pour permettre l'exploitation de cette mine à ciel ouvert et que l'entreprise RWE est notamment financée par Credit Suisse.

Enfin on souhaite faire entendre Marie Toussaint, militante écologiste française, juriste en droit international de l'environnement. Elle est cofondatrice de l'association « Notre affaire à tous » et à l'origine de la campagne « l'affaire du siècle » qui a déposé le premier recours en responsabilité contre l'Etat français en matière climatique. En quelques semaines cette action a reçu le soutien de plus de deux millions de citoyens français. Marie Toussaint est également députée européenne depuis mai 2019 sur la liste Europe Ecologie. Elle se bat pour faire reconnaître le crime d'Ecocide qui permettrait de pénaliser les atteintes les plus graves portées à l'environnement.

Me Raphaël Mahaim : et trois scientifiques

Nous avons aussi trois personnes issues des milieux académiques, de la recherche, Sylvie Ollitrault, directrice de recherche au CNRS, elle a publié un ouvrage qui a fait date sur la désobéissance civile, intitulé « La désobéissance civile ». Elle a aussi publié, il y a quelques années un article au titre assez savoureux « Sous les pavés, la Terre ». Elle a thématisé l'idée que pour sauvegarder la planète il fallait parfois passer la vitesse supérieure vu l'immobilisme des autorités en place.

Deuxième personne issue des milieux académiques, qu'on ne présente plus non plus, Jacques Dubochet, connu je crois de tout le monde ici, connu peut-être tout autant pour son prix Nobel, que pour sa capacité à jouer un rôle de passeur de sciences, à faire transmettre des messages sur l'état de la planète avec un langage aussi bonhomme et simple à comprendre que son aspect physique et sa présentation. Il a vraiment cette humilité du passeur de sciences qui nous sera bien utile dans ce procès.

On ne le présente plus non plus, Dominique Bourg, qui a joué un rôle énorme dans le rayonnement de l'Université de Lausanne de par ses prises de position et ses actes à la faculté de Géosciences et de l'Environnement. Ce qu'on oublie parfois, c'est qu'il a été président du conseil scientifique de la Fondation Nicolas Hulot. Il a joué un rôle de tout premier plan dans les arcanes de la mobilisation écologiste en France avec également des entrées au plus haut niveau du pouvoir puisque comme tout le monde le sait Nicolas Hulot est devenu ensuite ministre et qu'il est resté l'un des plus proches conseiller et confident de Nicolas Hulot également lorsque celui-ci était ministre.

Me Irène Wettstein : comment le juge peut-il refuser les témoins ?

Alors que nous sommes tous impressionnés par ces personnalités, cette liste, il s'avère que, la nouvelle est tombée hier, le Président du tribunal de police refuse d'auditionner ces témoins à l'exception de monsieur Jacques Dubochet. Mais monsieur le président n'exclut pas d'entendre ces témoins si on arrive à le convaincre le jour de l'audience. Le président justifie son refus en indiquant que les sujets sur lesquels les témoins seraient interrogés sont connus.

Et là, ça ne va pas. Vous imaginez, nous allons faire venir l'ancien vice-président du GIEC, celui-ci va attendre dans les pas perdus du tribunal que le président du tribunal décide oui ou non s'il veut l'entendre. Cette décision du président du tribunal reflète parfaitement ce qui a été évoqué avant. Nous n'entendons pas. Nous n'écoutons pas les experts et les scientifiques et lorsque les activistes dénoncent ce laxisme on les condamne sans même tenir compte des mobiles qui les ont conduit à cette action.

Nous allons bien évidemment maintenir ces témoins et les amener à l'audience.

Me Christian Bettex : on ne peut condamner des lanceurs d'alerte

On a parlé de désobéissance civile c'est une chose, mais il faut aussi parler, sans faire un cours de droit je vous rassure tout de suite, de lanceurs d'alerte. On en parle beaucoup dans les médias actuellement, le lanceur d'alerte doit alerter sur un problème qui n'est pas personnel, sur un problème beaucoup plus global. Quoi de plus global ici que de défendre la Terre et donc l'Humanité qui l'habite. Nous sommes en présence de lanceurs d'alerte, qui doivent encore justifier qu'il n'y a pas d'autres moyens que leur action à entreprendre pour faire passer un message, pour nous faire prendre conscience de la réalité climatique et de l'urgence climatique.

Ce n'est pas vraiment une nouvelle, en 1896 déjà un scientifique suédois mesurait le réchauffement climatique lié à la combustion du charbon. Pour lui c'était une aubaine car nous allions tous vivre dans un climat tempéré. Apparament le Credit Suisse est resté sur cette interprétation là.

En 1956, 60 ans plus tard, le New York Times cette fois, révèle qu'il y aura, lié à la combustion des énergies fossiles des changements climatiques massifs qui ne sont plus du tout une aubaine, déjà en 1956.

En 2002 ce sont les politiques qui s'expliquent, vous connaissez tous l'intervention de Jacques Chirac qui nous dit que la maison brûle et que c'est un crime contre l'humanité, et bien nous avons continué depuis 2002 à regarder la maison brûler.

Sur plus d'un siècle on constate que les scientifiques n'ont pas pu se faire entendre. On constate que les médias n'ont pas non plus pu faire prendre conscience à la population de ce qui nous attendait. On constate enfin que les politiques n'ont rien fait ou très peu en tout état de cause.

Sur ce siècle l'urgence est désormais arrivée, ce n'est pas un vague problème lointain, c'est un problème immédiat. Et la question qui se pose à ces jeunes gens est celle de savoir comment réveiller les consciences, comment faire en sorte que l'on prenne conscience de cette réalité.

On peut leur dire de faire de la politique. Je ne sais pas si vous avez entendu le conseiller fédéral Ueli Maurer à a sortie de l'ONU à New York expliquer avec une certaine condescendance la naïveté de ces jeunes gens qui croient qu'en quelques semaines on peut changer quelque chose alors que la politique et les changements législatifs se mesurent à l'aune de la décennie.

Ce n'est pas un discours qui peut être entendu dans le cadre de cette urgence, cette porte s'est fermée pour ces jeunes gens. Il ne reste plus donc que des manifestations telles que celle qui a été organisée au Credit Suisse pour provoquer cette prise de conscience.

On peut y voir une certaine réussite puisqu'il n'y a pas un jour aujourd'hui sans que les médias ne parlent de l'urgence climatique. On constate que les politiques s'y mettent même si on reporte la discussion sur la loi sur le CO2. On a surtout une vague verte qui est arrivée à Berne, qui n'est jamais que cette prise de conscience qui est remontée dans les urnes.

Cette cause nous estimons, nous avocats, que nous pouvons, nous devons la défendre, nous devons transformer ce que nous appelons une désobéissance civile en lanceur d'alerte. S'ils sont lanceurs d'alerte c'est qu'ils seront acquittés, s'ils sont acquittés c'est qu'ils n'ont pas désobéi. Ils ont au bout du compte respecté le droit.

 

Questions de la presse

Comment lire le procès de lundi dans votre action ?

On travaille en étroite coordination sur ceux qui suivent ce procès et on a le même type d'approche. On défend le même type de discours et le principe. Le procès de lundi risque d'être intéressant, je crois qu'on peut le dire ici parce qu'on a appris que la plainte pénale du Credit Suisse avait été retirée. Donc on se trouve dans une situation où le procès va vraiment devenir une mascarade au sens ou le principal plaignant a fait marche arrière, s'est dégonflé face à un activiste déterminé, sûr de ses droits et conscient de la responsabilité qui est la sienne dans le système pénal. On est dans une approche similaire, parallèle et on poursuit avec le nôtre de procès qui se déroulera un peu plus tard mais sur les mêmes bases et les mêmes fondements.

Me Irène Wettstein : Il faut préciser que le Crédit Suisse n'a en l'état pas retiré la plainte dans notre dossier. Ils persistent dans ce que nous pensons être un dégât d'image. Ils ont porté plainte pour une simple violation de domicile et on voit bien que le problème n'est pas là. Ca va être exposé en justice et dans un large public.

Pourquoi Dubochet ?

Me Christian Bettex : je pense qu'il avait envie d'entendre M. Dubochet qui est quelqu'un d'intéressant (rires). Il estime que le problème climatique est connu, il devrait alors en tirer les conséquences et se dire que nos clients ont participé à cette prise de conscience, qu'il y est aussi sensible et qu'il estime qu'il n'y a pas lieu à faire entendre des témoins sur ce qui est connu. Il semble qu'il tienne pour acquis qu'il y ait urgence climatique.

Titouan : Le seul témoin qu'il a retenu n'est pas climatologue.

Me Irène Wettstein : Le président du Tribunal dit : « parce que Jacques Dubochet est à même d'être entendu tant sur des questions environnementales générales que sur des points plus particuliers. » Je ne sais pas comment il va pouvoir se prononcer sur la nécessité de la désobéissance civile en démocratie par exemple.

Sous entendu, et avec tout le respect pour M. Dubochet, on l'a retenu parce que c'est le moins crédible scientifiquement, comment l'interpréter ?

Me Marie-Pomme Moinat : Bon. Je pense que l'on ne peut pas interpréter à ce stade (rires).

On a entendu votre appel à Federer (...) vous avez essayé de le contacter ?

Paul : on a essayé il y a un an de le contacter via les réseaux sociaux sans grand succès. On va pas se cacher que face au mur qu'est Roger Federer on s'est beaucoup impliqués dans la Grève du Climat qui a démarré rapidement après notre action.

Concrètement, que va-t-il se passer avec les témoins ?

Me Aline Bonnard : On a demandé ces auditions de témoins par écrit, dans des courriers très courts, en motivant finalement très brièvement en quoi l'un ou l'autre était utile. On pourra plaider l'incident d'entrée de cause et probablement que si on plaide tous, et cela risque de prendre un moment, pourquoi chacun des témoins est important on espère bien infléchir sa position et le convaincre qu'en tout cas une partie d'entre eux doivent être entendus.

Si nos réquisitions d'entrées de cause devaient être rejetées à nouveau cela nous donne aussi un moyen de recours. Si par impossible il ne devait pas acquitter tous les activistes, alors sa décision pourrait être contestable notamment de par le fait qu'il aurait refusé d'entendre les témoins requis.